C’est le blasphème contre l’Esprit qui est grave. Car il est un refus de dialoguer avec Dieu. Les explications du P. Jean-Paul Sagadou, assomptionniste.
« Beaucoup de chrétiens sont effrayés et tourmentés à la lecture de cette phrase de l’Évangile : « Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit saint, il n’obtiendra jamais le pardon » (Marc 3, 29). Dans l’évangile de saint Matthieu la même réalité est exprimée de la façon suivante : « Si quelqu’un s’oppose au Saint-Esprit, il ne recevra pas le pardon, ni dans la vie présente, ni dans le monde à venir » (Matthieu 12, 31-32). Comment rendre compte de ce blasphème contre l’Esprit saint ?
En fait, c’est le contexte qui permet de comprendre cette phrase. Que se passe-t-il ? Jésus vient de chasser les esprits mauvais. Il vient d’opérer des miracles qui attestent qu’Il est l’Envoyé de Dieu. Or, les scribes et les pharisiens cherchaient toutes les occasions pour le « coincer ». Leur réaction est donc manifeste et immédiate : « Tu es toi-même possédé ! C’est avec la force de Satan que tu chasses les démons ». Autrement dit, le bien que Jésus fait est considéré par les scribes et les pharisiens comme mal.
Après leur avoir démontré le caractère illogique de leur raisonnement, et le vrai sens du signe qu’il accomplit, Jésus les avertit des conséquences de leur mauvaise foi : si en toute connaissance de cause, ils refusent de croire en lui, en s’opposant au témoignage intérieur de l’Esprit de Dieu en eux, alors, c’est qu’ils ont choisi de refuser la vérité. Dieu respecte toujours profondément la liberté de l’homme. Jésus peut comprendre qu’on ne reconnaisse pas sa mission divine. Mais appeler mal, le bien qu’il fait, cela est impardonnable. Confondre volontairement le bien et le mal paraît diabolique.
Blasphémer, c’est refuser de dialoguer avec Dieu
Ainsi, le péché contre l’Esprit saint consisterait dans le fait que, contrairement à ce que l’on sait pertinemment, on attribue à Satan une action qui vient de l’Esprit de Dieu. Et ceci est un signe que l’on ne veut pas changer sa vie, et que l’on préfère poursuivre sans vergogne son chemin dans le péché. Le blasphème est donc une insulte à Dieu. C’est le refus de dialoguer avec Dieu. Ce péché est impardonnable parce que, si Dieu voulait me le pardonner, dans la même logique, je dirais encore qu’il me pardonne poussé par le mal. C’est comme un enfant qui dirait à ses parents en train de lui pardonner : « Vous me pardonnez, mais vos intentions sont mauvaises ». Dès lors, l’enfant est vraiment incapable d’accueillir le pardon de ses parents.
Si le blasphème contre l’Esprit saint est impardonnable, c’est parce qu’il procède d’une attitude déterminée de l’esprit de l’homme qui se ferme totalement à la lumière qui vient de Dieu. C’est comme si je disais : « Dieu ne peut pas me pardonner ». C’est un blasphème profond, une injure à Dieu, dans la mesure où, par ce genre de propos, on nie l’essentiel même de Dieu : son amour et sa miséricorde envers les hommes. L’homme se barricade contre la vérité. La particularité de ce péché, c’est qu’il refuse la repentance, il refuse la conversion.
Dieu seul connaît le coeur de l’homme
Bref, le péché contre l’Esprit saint est le blasphème suprême, car il est le refus conscient de Dieu. Le désir profond de Dieu est de pardonner. Il ne ferme jamais son cœur. Mais l’homme est capable de fermer son cœur. La lumière est toujours proposée, mais l’homme peut préférer les ténèbres, le pardon est toujours offert, mais l’homme peut librement toujours s’y fermer.
La pédagogie de Jésus est exigeante, mais c’est ainsi que se manifeste son amour. Son propos est clair, mais nous, nous ne sommes pas autorisés à juger notre prochain. Seul Dieu pourrait dire d’un homme : « Son refus est coupable, il blasphème contre l’Esprit saint », parce que seul le regard de Dieu peut sonder ce qu’il y a dans le cœur de l’homme (1 Corinthiens 2, 11). Seul Dieu est capable de juger, parce que son amour va plus loin que sa connaissance. »