Des nouvelles pistes pour mieux guérir d’un traumatisme

«À l’origine du trauma, il y a cette énergie bloquée, une intense rage refoulée»
Le Dr Daniel Dufour, ancien médecin de guerre

De plus en plus pris en compte, le stress post-traumatique est de mieux en mieux compris. De nouvelles thérapies, qui vont au-delà de la simple écoute, agissent sur la source du traumatisme.

Qu’y a-t-il de commun entre ce soldat revenu d’Irak, l’enfant qui a été abusé sexuellement par un proche de sa famille et l’ambulancier de service une nuit d’attentats à Paris? La confrontation à la violence? Certainement, mais pas seulement. Dans des circonstances très différentes, tous trois ont été amenés à éprouver un extrême sentiment d’impuissance. Face à l’horreur et l’ignoble, ils ne pouvaient fuir et ont été immobilisés durant quelques séquences par ce que la clinique nomme le «figement», une sidération, une «dissociation» entre le cerveau émotionnel et le cortex frontal qui les a engourdis. Paradoxalement, cette «anesthésie» naturelle censée protéger la personne de la folie ou de l’effondrement, est particulièrement dévastatrice.

L’autre point commun entre ces victimes: tous trois souffriront sans doute de troubles de stress post-traumatique (TSPT). Flash-back, cauchemars, évitement des situations rappelant ou symbolisant l’événement traumatique, irritabilité, froideur ou crises de colère inexplicables, dépression… À chacun son syndrome, se manifestant parfois des années après les événements.

Des traitements à repenser

À l’heure où, sur demande gouvernementale, une dizaine de nouvelles unités spécialisées dans ces troubles, des «centres de soins et de résilience du psycho-traumatisme», vont ouvrir sur notre territoire, on en sait chaque jour un peu plus sur celui-ci, finalement repéré assez récemment auprès des GI’S revenus du Vietnam. Au niveau international, le champ d’étude du psychotrauma n’a cessé de s’étendre et de s’approfondir, pour de mauvaises raisons malheureusement: en se multipliant, les victimes de violences sexuelles, de guerres et d’attentats ne cessent de motiver la recherche. De plus, on peut réellement voir, grâce à la neuro-imagerie, les impacts altérant leur activité cérébrale. Bessel van der Kolk, l’un des plus grands spécialistes du psychotraumatisme, en décrit les multiples effets dans son ouvrage enfin traduit en français (ci-dessous). Le trauma affecte les zones de gestion de la menace, de conscience du corps, de la perception de soi, de l’écoulement du temps…

Face à de tels bouleversements, les traitements doivent être repensés. «Malheureusement, nous manquons encore cruellement de personnels formés à cette prise en charge spécifique du psychotraumatisme», regrette le Dr Gérard Lopez, président de l’Institut de victimologie.

L’idée qu’«en parler» lors d’un accompagnement psychologique suffirait semble désormais caduque. Pour l’heure, trois types de thérapies ayant été évaluées sont recommandées: les thérapies comportementales et cognitives, qui «visent à exposer le psychotraumatisé à ce qu’il redoute pour s’en dégager progressivement et à changer le regard sur le monde qu’il pose» ; l’EMDR, qui permet de revivre en imagination et accompagné la scène traumatique afin de la délester de sa charge émotionnelle ; enfin, dans un même esprit, l’hypnose. «Mais celle-ci, parce qu’elle est particulièrement suggestive, est fortement déconseillée auprès des victimes d’abus sexuels», précise le Dr Gérard Lopez.

Le Dr Daniel Dufour, pour l’avoir expérimenté dans sa chair, insiste pour sa part sur la nécessité de réhabiliter la colère des victimes, trop souvent passée sous silence. «À l’origine du trauma, il y a cette énergie bloquée, une intense rage refoulée», explique cet ancien médecin de guerre, auteur de Le Bout du tunnel, guérir du stress post-traumatique (Éd. de L’Homme). C’est elle, véritable bombe à retardement, qui affecte le système immunitaire, provoque des somatisations.

Pour la débloquer, il faut pouvoir, en étant très encadré, retourner mentalement dans la situation traumatisante. Or, trop souvent dans les cellules de crise, les victimes entendent des consignes telles qu’«Apaisez-vous!», se voient prescrire des médicaments et retournent même leur colère contre eux en affirmant, par exemple: «Je n’aurais pas dû aller là» ou «je n’ai pas su dire non».

Dans le cas des militaires, pompiers et soignants, ce refoulement est encore plus destructeur. Ces professionnels, s’ils ont toute une série de gestes et procédures à accomplir pour réagir aux situations extrêmes, doivent passer sous silence leurs émotions. Et chez eux, le psychotraumatisme s’inscrit avec la chronicité des situations traumatisantes: la fréquentation régulière de l’horreur n’amoindrit pas la colère face à celle-ci, au contraire.

Le Dr Gérard Lopez confirme que cette prise en compte de la colère est capitale: «Trop souvent, la victime la dirige “contre” la police, la justice, les proches, les soignants… Il faut au contraire la mobiliser vers la reconstruction et non contre soi-même.» Autant dire que c’est une réparation corps et esprit qui s’impose.